Estelle OUSSAR, Vice-Présidente du collège national des DSIO de centres hospitaliers

Estelle OUSSAR - Directrice des finances, des relations avec les usagers, et des systèmes d’information au Centre hospitalier de Saint-Dizier; Vice-Présidente du collège national des DSIO de centres hospitaliers.

L’ensemble des réformes hospitalières actuelles (tarification à l’activité (T2A), nouvelle gouvernance, dossier médical partagé) confère aux systèmes d’information un rôle et une place stratégiques.

Pour autant, le changement, d’une ampleur inouïe, oblige tous les acteurs hospitaliers et extra-hospitaliers à transformer leurs modes de fonctionnement, et à adapter leur culture. Le nouveau mode de financement et de gestion des établissements de santé, publics comme privés, transforme radicalement les SIH, tant dans leur nature, que dans leur fonction et dans leur rôle au sein des établissements. Tout d’abord, le passage de la dotation globale à la T2A induit un changement de statut pour l’information. En effet, accessoire dans un système de financement « garanti d’avance », et sans lien avec l’activité, ni réalisée, ni prévue, elle devient stratégique dans le cadre de la T2A. Elle est à la base des moyens dont dispose un établissement : les recettes sont fonction de l’activité saisie et codée, puis facturée. De même, avec la gestion par pôle, l’information devient capitale. La délégation de gestion suppose l’échange d’informations fiables, et des outils de pilotage partagés par les différents responsables, tant médecins et directeurs que cadres et soignants. L’échange d’informations dans le cadre du DMP s’avère tout autant stratégique.

En ce sens, l’information constitue un levier d’action pour les établissements, dans le court, le moyen et le long termes.

Le rôle des systèmes d’information hospitaliers et extrahospitaliers évolue également de façon substantielle. Le changement majeur introduit dans le financement et la gouvernance des hôpitaux, comme celui de la gestion du dossier patient, provoque directement la transformation des modes de production, de gestion et de traitement des informations. L’ensemble des informations créées et véhiculées dans un établissement de soins doit donc être géré, c’est-à-dire structuré, sécurisé, et partagé. Ces réformes obligent à une informatisation de l’ensemble des secteurs de prise en charge, tant administratifs, médico-techniques que médicaux, afin d’aboutir à l’informatisation des processus pour dégager une comptabilité analytique médicalisée. Les informations, colligées, permettent aux pôles ainsi qu’à l’établissement de disposer de l’ensemble des données nécessaires pour évaluer et piloter, grâce à des outils de simulation et de prévision. De la connaissance peut ainsi naître la décision.

Enfin, les réformes hospitalières introduisent une véritable révolution culturelle pour tous les professionnels de santé : codage systématique de l’activité produite, partage de l’information et comparaison interne et externe (benchmarking), en vue d’améliorer l’efficience de l’établissement.

Les systèmes d’information subissent eux-mêmes une révolution complète. Aux systèmes propriétaires et peu communicants doivent se substituer des logiciels intégrés.

Surtout, la T2A, le DMP comme la gestion par pôle redonnent tout son sens à la notion de systèmes d’information, dans la mesure où les informations sont organisées en cohérence les unes avec les autres, en système. Par rapport à la logique du budget global, celle de la T2A requiert bien plus encore la collaboration entre tous les hospitaliers. Les systèmes d’information ne participent plus de la coexistence de petites organisations, mais garantissent une approche collective, en renforçant les aspects collaboratifs et systémiques du mode de fonctionnement des hôpitaux. Les systèmes d’information constituent alors un outil au service de la stratégie des établissements, et ce, d’autant plus qu’il reflète la stratégie de l’établissement, explicitée dans le projet d’établissement.

Par conséquent, les systèmes d’information deviennent une préoccupation des responsables hospitaliers, qui investissent alors dans un domaine souvent considéré jusque là comme technique et non prioritaire par rapport à d’autres projets, dont le retour sur investissement était plus tangible.

Ainsi la T2A, le DMP ou la nouvelle gouvernance font-ils passer la finalité de l’information devant l’outil technologique, la notion de système d’information organisé devant la juxtaposition d’applications informatiques. Dès lors, ces mutations ne s’effectueront pas sans une réflexion profonde et collective sur l’organisation hospitalière. Finalement, ces réformes amènent à re-concevoir les systèmes d’information plus en prise avec la stratégie des établissements (alignement stratégique du système d’information) et à les adapter en permanence (urbanisation du système d’information). Quoi qu’il en soit, la redistribution des rôles engendrée par ces réformes représente une transformation telle qu’elle doit, pour être acceptée par les professionnels de santé, s’accompagner de modifications dans leur système de valeurs et de croyances, c’est-à-dire ce qui leur permet de donner du sens aux changements qui les affectent.

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