Petite Histoire de la découverte du vaccin contre la Polio

Publié le : 24 août 20217 mins de lecture

La découverte du vaccin contre la polio s’est faite par découvertes successives pendant près de deux décennies, ouvrant la voie à un programme mondial d’éradication de la maladie.

Dans mon enfance, la polio était une maladie épidémique. Partout, on trouve des enfants qui se déplaçaient maladroitement à l’aide d’appareils orthopédiques rustiques, qui grinçaient lorsqu’ils marchaient. Toute fièvre ou faiblesse chez un enfant suffisait à terrifier les parents : s’agissait-il d’une paralysie infantile ?

Dans les années 60, on a connu un développement important des cours sur les fameux « poumons d’acier », des tubes cylindriques inventés en 1928, où l’enfant était maintenu allongé en permanence avec seulement la tête à l’extérieur, à l’intérieur desquels l’action d’une pompe à vide diminuait et augmentait la pression de l’air à inspirer et à expulser des poumons incapables de respirer à cause de la flaccidité des muscles responsables de le faire.

Le dévouement des médecins et des infirmières responsables de l’unité et l’image des filles et des garçons immobiles à l’intérieur de ces appareils, capables encore de sourire lorsqu’on joue avec eux, font partie des images les plus touchantes que j’ai gardées de mes années de collège.

Pour célébrer le 50ème anniversaire du prix Nobel décerné aux scientifiques qui ont créé les conditions de base pour le développement du vaccin contre la polio, le « New England Journal of Medicine », l’une des revues médicales les plus prestigieuses, vient de raconter l’histoire de cette découverte.

L’histoire de la découverte du vaccin contre la polio.

Tout commence avec John Enders, fils de banquiers qui l’ont éduqué pour qu’il suive l’entreprise familiale, mais qui s’est intéressé à la littérature à l’université de Harvard, où, par hasard, il a partagé une chambre avec un camarade du cours de microbiologie. Épris de la passion de l’autre, Enders devient microbiologiste en 1930.

Dix ans plus tard, il a pu pour la première fois isoler des virus de la grippe et du vaccin dans des cultures de tissus conservées dans des tubes à essai, travaux qui ont été interrompus en 1941 par le début de la Seconde Guerre mondiale. À la fin de la guerre, Enders a été invité à diriger un laboratoire à l’hôpital pour enfants de Boston. Il y rencontre deux pédiatres récemment diplômés, Tom Weller et Fred Robbins, ses futurs partenaires dans la découverte d’une apparente curiosité de laboratoire qui ouvrira définitivement la voie à l’obtention du vaccin rêvé contre la paralysie infantile.

Robbins a ensemencé le virus de la poliomyélite dans des tissus fœtaux maintenus dans des tubes à essai, en présence d’un colorant qui change de couleur selon l’acidité ou l’alcalinité du milieu. Il a vérifié que, alors que les cellules non infectées libéraient des acides dans le milieu de culture faisant virer le colorant au jaune, celles contenant le virus ne changeaient pas la couleur du colorant. Grâce à cette méthode simple, ils ont pu démontrer qu’il était possible de propager le virus de la polio dans une culture de tissus. Et qu’en transférant le virus d’une culture à l’autre par passages successifs, on obtenait une diminution progressive de la virulence, étape essentielle pour le vaccin.

En 1954, Enders reçoit la nouvelle qu’il a remporté le prix Nobel. Mais, à la surprise générale, il a refusé de le recevoir à moins que l’honneur ne soit partagé avec « ceux qui ont fait le travail ».

Sensibilisées, les autorités suédoises ont décidé de récompenser les trois scientifiques.

Jonas Salk et Albert Sabin : les deux scientifiques liés à cette découverte.

Deux scientifiques d’origine juive, ambitieux et brillants, ont participé à ces progrès en laboratoire : Jonas Salk et Albert Sabin.

Salk avait travaillé à l’université de New York sur le développement d’un vaccin préparé avec un virus de la grippe inactif. Sabin, pendant la guerre, à l’université de Cincinnati, avait fait des recherches sur les virus de la dengue et de l’encéphalite japonaise, des fléaux qui affligeaient les soldats américains dans le Pacifique Sud.

Dans la recherche d’un vaccin contre la polio, les deux scientifiques ont suivi des voies différentes : Salk a exploré des préparations à base de virus tué administré par voie intramusculaire ; Sabin a exploré les propriétés du virus vivant atténué administré par voie orale.

La course entre les deux a subi l’influence décisive d’un troisième personnage, étranger au milieu universitaire : Daniel O’Connor, avocat, ancien partenaire du président Roosevelt, la plus célèbre des victimes de la maladie, aux côtés de laquelle il a créé la National Foundation for Infantile Paralysis. Bien que les deux chercheurs aient reçu un financement généreux de cette fondation, Salk s’est taillé la part du lion, car O’Connor était convaincu d’être plus proche d’un vaccin.

Après avoir testé son vaccin sur de petits groupes d’enfants, Salk a reçu un soutien décisif de la fondation pour mener une étude de population historique dans laquelle 1,8 million d’écoliers ont été vaccinés. Annoncés en fanfare lors d’une conférence de presse en avril 1955, les résultats positifs ont fait de Salk un héros national.

L’acceptation immédiate du vaccin de Salk a rendu très difficile pour Sabin la réalisation d’essais à grande échelle aux États-Unis. Obsédé par ses convictions scientifiques, il a cependant réussi à organiser, avec des chercheurs soviétiques, l’étude définitive utilisant le vaccin oral chez des millions d’enfants en Europe de l’Est.

Outre la facilité d’administration par voie orale, le vaccin Sabin présentait l’avantage d’être peu coûteux, d’avoir la propriété de stimuler l’immunité de la muqueuse intestinale et de propager par les selles le virus vivant, atténué, capable d’immuniser même les enfants sont vaccinés en entrant en contact avec lui dans des régions privées d’assainissement de base.

Grâce au travail combiné de ces scientifiques et de ceux qui les ont précédés dans les premières recherches sur les virus menées dès le début du XXe siècle, l’Organisation mondiale de la santé a lancé un programme mondial d’éradication de la polio en 1988.

Cette génération de médecins a vu la fin de la paralysie infantile dans ce pays. Bientôt, on verra le virus qui en est responsable disparaître de la surface de la Terre.

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