Etapes critiques dans l’informatisation des systèmes de gestion de soins, la saisie à la source des informations et la mobilité des systèmes afférents sont actuellement testées dans plusieurs hôpitaux. A l’instar de l’hôpital de Nice ou de certains services du CHU de Saint-Etienne. Un système jugé indispensable par plusieurs acteurs, pour accompagner les grands chantiers de l’informatique de santé que constituent notamment le dossier médical personnalisé (DMP) et le traitement à l’acte (T2A).
«La difficulté dans un hôpital réside dans la mobilité des personnes et des personnels », estime Pierre Lesteven, médecin et représentant de la FHF (Fédération Hospitalière de France). « Le médecin titulaire intervient à différents lieux de l’hôpital et les internes changent de service tous les six mois. Par ailleurs, la plupart des pathologies hier mortelles sont devenues aujourd’hui chroniques», complète-t-il. Hospitalisé dans ce cas sur une durée potentiellement plus longue, il est par ailleurs susceptible d’être pris en charge par plusieurs services successifs. La perspective de recourir à des traitements en ambulatoire, rendue possible par l’amélioration des techniques et des liaisons de communication, constitue une solution étudiée par les spécialistes de la santé pour éviter l’engorgement des hôpitaux. Une alternative qui ne dispense pas toutefois d’une révision sensible des infrastructures techniques et des processus de fonctionnement des établissements, estime toutefois Pierre Lesteven : «Les personnels hospitaliers doivent voir plus de patients, les soumettre à un examen plus approfondi mais plus rapide, le tout avec la garantie d’une traçabilité complète des actes pratiqués », résume-t-il. Outre le vieillissement programmé de la population et l’hospitalisation potentielle d’un nombre croissant de patients par essence plus fragiles, les hôpitaux et cliniques devront faire face à une diminution probable des effectifs de personnels soignants : « 40% des personnels en poste aujourd’hui seront à la retraite en 2015», illustre Pierre Lesteven. Les systèmes de saisie à la source des données médicales constituent la première brique d’un système informatique complet de gestion des soins.
Offre diversifiée
Plusieurs matériels différents autorisent la saisie de données au chevet du patient, comme le rappelle Patrick Carry, directeur général d’Airmedis: «Une offre complète de matériels et de logiciels est proposée sur le marché depuis plus de 5 ans, du PDA (assistant digital personnel), à l’ordinateur portable ou fixe». L’offre devient aussi, à l’occasion, multi-usages, à l’intention du personnel et des patients : «La solution « triple-play que nous proposons actuellement, remplace les écrans passifs utilisés hier par le personnel hospitalier et dispose également de fonctions tuner, télévision et téléphone. L’offre la plus couramment utilisée est constituée d’un portable sur chariot mobile», affirme de son côté Franck Jaubert, directeur commercial de l’éditeur spécialisé Cerner. Les PDA sont parfois réservés simultanément à d’autres usages, pour la signature de prescription, la réception de patients en urgence ou l’enregistrement de l’entrée d’un patient dans un service. Les dispositifs réservés au personnel soignants sont alors susceptibles d’alimenter la base de données patient de l’établissement. Des bornes Wi-Fi progressivement déployées à ce jour dans plusieurs hôpitaux, tels celui d’Arras ou de Toulouse par exemple, assurent pour cela la liaison des équipements mobiles avec le système informatique central. Avec la perspective ultérieure d’une saisie à la source généralisée et d’une récupération rapide et simple, de données collectées à des emplacements multiples d’établissements répartis sur plusieurs hectares, voire disséminés sur plusieurs sites distincts. Pour l’instant, seules de petites équipes montrent la voie d’un traitement à la source généralisé à l’ensemble de l’activité médicale, comme le souligne Pierre Lesteven. C’est le cas par exemple, du service des urgences du CHU de Lille. Le dispositif mis en place dans le centre de radiologie de Flers constitue un autre exemple d’initiative encore isolée d’application sectorielle du principe.
Organisation
De la mise en œuvre ponctuelle à la généralisation et à l’utilisation efficace d’un tel dispositif, beaucoup de chemin reste à parcourir, estiment unanimes les spécialistes du secteur. Harmonisation des différents processus de collectes de données, selon les services concernés, vérification et diffusion automatisées des bonnes données patients à chaque praticien, sont autant de chantiers qui supposent des efforts de la part de tous les intervenants, personnels hospitaliers en premier chef. «Beaucoup de décideurs considéraient hier que la mise en œuvre d’un tel système d’information relevait de la compétence d’informaticiens, précise Pierre Lesteven. Ils s’aperçoivent aujourd’hui qu’un tel dispositif est très lié aux processus de traitement de l’information : des systèmes complexes qui sollicitent à la fois les médecins, les infirmiers et, in fine, les informaticiens qui assurent le codage des données collectées. Un véritable projet d’entreprise, à la réalisation et à la réussite duquel l’ensemble des salariés sont invités à contribuer.» Pour cela, tout le monde doit disposer de connaissances régulièrement actualisées sur l’évolution des procédures de travail et sur les systèmes de codification en vigueur dans l’établissement. Bref, un accompagnement au changement rigoureux et systématique s’impose, comme l’illustre ici le cas du CHU de Nice.
Déploiement mesuré
D’une capacité de 1 600 lits, l’établissement emploie près de 6 500 salariés, dont 42 équivalents temps plein dédiés au déploiement et à l’entretien du système d’information hospitalier. Des ressources suffisantes pour prendre en charge la maintenance du dispositif, tester les configurations fonctionnellement adaptées aux besoins spécifiques de l’activité soignante de l’hôpital et pour les implémenter, comme le détaille Michèle Damon, directrice du système d’information de l’hôpital. «L’ensemble des données sont stockées dans une base unique et un identifiant est attribué à chaque patient. Pour chaque épisode, les acteurs de terrain saisissent les données au fil de l’eau.» Des dispositifs à base de Pocket PC, réseaux Wi-Fi et écran plasma ont été testés l’an dernier pour accompagner la saisie des données vitales et des prescriptions, par les praticiens. Depuis janvier 2004, les postes fixes ont été déployés dans toutes les pièces où sont pratiqués des actes médicaux. En exemple, le système, actuellement testé au bloc de chirurgie notamment, permet aux praticiens de saisir immédiatement les données au sortir de l’opération. Une procédure dont ils ont acquis la maîtrise lors d’une session de formation spécifique, à l’instar de 5 000 employés de l’hôpital. «Les nomenclatures d’actes (mises en œuvre dans le cadre du projet T2A, NDLR) sont régulièrement mises à jour, précise Michèle Damon. Chaque modification fait l’objet d’une actualisation des connaissances des personnels soignants. » Toute la difficulté réside dans la complexité des nomenclatures et des codifications, ainsi que dans la fréquence accélérée des modifications. Sans doute réside-t-elle également dans l’empressement variable de praticiens, par ailleurs débordés, à suivre assidûment les formations successives. Comme en convient d’ailleurs Michèle Damon : «L’amélioration continue de la précision des nomenclatures ne fait pas partie de l’activité des praticiens, ils n’ont pas d’intérêt direct à l’utiliser et cette tâche est plutôt vécue comme une contrainte. Activité nouvelle pour eux, le codage était précédemment réalisé par le personnel paramédical, sous une forme relativement standard et peu différentiée». Pour faire «passer la pilule», la direction informatique préconise donc une saisie immédiate après chaque acte. Une procédure susceptible de devenir rapidement incontournable pour l’ensemble des actes. Pour l’heure, 50% d’entre eux sont déjà financés par la T2A.