La logistique à l’hôpital : entre organisation et traçabilité

Publié le : 02 juillet 20207 mins de lecture

Le CHU de Dijon est un des rares établissements où le responsable logistique est identifié dans l’organigramme. Responsable de la direction des services logistiques, François Bisch occupe par ailleurs la fonction de président de la commission logistique hospitalière. Précédemment étranger au monde hospitalier, il reprend l’approche systématique de la logistique industrielle ou de services et l’applique au monde de la santé plus hétérogène et cloisonné. En toute logique, il semble intéressant de détailler ce qu’il met en pratique en Dijon pour connaître les orientations qu’il estime intéressantes pour l’ensemble des établissements de soins français.

Au CHU de Dijon, un établissement de 1700 lits implanté sur trois sites employant environ 6000 salariés, les 120 salariés des services logistiques gèrent un ensemble très variés de flux. D’abord, ils approvisionnent l’ensemble des unités fonctionnelles, notamment les unités de soins. Sous la responsabilité des pharmaciens, ils s’occupent de l’acheminement dans l’hôpital des médicaments et dispositifs médicamenteux. Ils ramassent environ 6000 prélévements/jour (à l’exception des prélèvements pour analyses particulières et des organes qui bénéficient de leurs propres filières) et transportent également les instruments entre les blocs opératoires et les salles de stérilisation. Quotidiennement, ils apportent et enlèvent quelques 4000 repas, 12 tonnes tonnes de lignes propres et autant de sales. Ils assurent la distribution des produits “hôteliers” (produits lessiviels), des produits bureautiques et fournitures de bureaux. Enfin, ils évacuent les déchets répartis en une dizaine de filières (à risque, contaminés, ménagers, etc.).

“Notre client n’est pas le patient mais le processus de soins. Nous répondons à deux missions, explique François Bisch. La première vise à soulager les unités de soins de toutes les activités non soins afin de leur permettre de ne pas se disperser -par exemple en s’occupant des prélèvements ou de leur courrier- pour se focaliser sur leur cœur de métier. Pour que ces tâches s’effectuent de la manière la plus pertinente, nous rendons l’organisation plus cohérente et lissons la charge de réception et d’expédition. Au lieu de passer plusieurs fois par jour (par exemple pour relever le courrier), nous organisons la distribution en une seule fois. À l’inverse, nous essayons de répartir dans la journée les livraisons et les emports des grandes quantités. Il faut également organiser la concurrence entre les services et, par exemple, éviter qu’un patient, un médecin ou une poubelle qui arrivent en même temps devant un ascenseur se demandent qui va passer en priorité”.

“Notre seconde mission consiste à assurer la traçabilité. Tout le monde a en mémoire l’affaire du sang contaminé et nous sommes conscients que le monde actuel évolue vers un accroissement des relations juridiques entre individus. Nous anticipons donc la demande des équipes soignantes et médicales qui exigent que tout soit désormais tracé. En quelque sorte, le logisticien pourrait être le chaînon non manquant mais actif dans la traçabilité des autres. Certes, un pharmacien travaille sur les produits fabriqués par le laboratoire pharmaceutique et l’unité de soins l’applique suivant un protocole. Dans cette chaîne, le logisticien ne travaille pas avec les produits mais les colis. Pour autant, nous avons besoin de connaître les produits contenus dans le colis pour faire notre travail, à savoir d’emmener un colis d’un point A à un point B. Nous n’utilisons pas spécifiquement un logiciel mais travaillons à partir d’une numérotation SSCC pour identifier le colis et les produits qu’il contient. L’avis d’expédition précise donc produit, quantité, date de péremption, etc. Idem pour une machine qui a été stérilisée par telle personne, à telle heure, avec tel produit, etc. Ce, tant à l’extérieur de l’établissement, par exemple entre le fabricant et l’hôpital, qu’en interne entre la blanchisserie ou la stérilisation et l’utilisateur final. S’il est correctement établi et enrichi, le numéro SSCC permet de remonter la livraison à l’origine d’un éventuel problème. Bien entendu, nous nous appuyons sur un panel de solutions comme des armoires à tag actifs, des codes à barres, des puces radiofréquence active ou non. Je considère ces dispositifs comme complémentaires bien que je regarde avec beaucoup d’intérêt l’identification des 1700 lits des patients avec un code à barre. Cette option souffre des critiques liées à la confidentialité des soins, mais j’y vois plus un lieu de livraison. Et il reste tout à fait possible de réaliser une traçabilité anonyme”.

La logistique du CHU de Dijon est validée par des règles de fonctionnement et des notes de services validées par la direction générale, la direction des soins et les cadres supérieurs de santé de l’établissement. Elle est aussi étudiée avec la pharmacie et les services techniques, économiques. Parfaitement réglée, la logistique mis en œuvre à Dijon laisse peu de place à l’improvisation. « Comment un logisticien peut décider d’arrêter une demande en cours pour en prendre une autre? Et, s’il le fait, son geste risque-t-il d’avoir des conséquences sur la tâche en cours et les suivantes déjà planifiées? Si j’ai cinq véhicules en course et que six demandes me parviennent, la dernière attendra. Et le demandeur prendre la décision soit d’attendre, soit de choisir un autre biais”, affirme François Bisch. Ainsi, des points sont régulièrement réalisés avec chaque service pour différencier les demandes normales et urgentes des demandes de confort. La position du logisticien lui permet de créer une transversalité inédite.

Enfin, à l’heure où les établissements doivent simultanément réaliser des choix d’investissements et faire des économies, miser sur la logistique est-il rentable ? “Étant donné que les CHU doivent faire face à des problèmes financiers, ont-ils le choix de continuer à mal s’organiser ? répond François Bisch. Le retour sur investissement en matière de logistique est très élevé mais dans un domaine moins connu et apprécié : celui du temps humain ». En quelque sorte : Focalisez sur votre métier, le logisticien s’occupe du reste!

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